Accueil 5 News 5 Repenser le test d’intrusion : d’un instant figé à un processus continu

Repenser le test d’intrusion : d’un instant figé à un processus continu

par | 19 Mai 2025

Longtemps réservé à une élite d’experts ou à des phases critiques des projets, le pentest (test d’intrusion) est devenu un outil courant dans les politiques de cybersécurité. Il est même exigé par de nombreux référentiels de conformité, tels que l’ISO/IEC 27001, la directive NIS2, le RGPD (notamment via les obligations de sécurité des traitements), ou encore certains standards sectoriels comme PCI-DSS dans le domaine du paiement. Pourtant, cette banalisation s’est accompagnée d’un glissement préoccupant : le pentest est de plus en plus perçu comme une opération ponctuelle, presque administrative. Un audit que l’on coche, un rapport que l’on archive, une preuve que l’on présente. Cette approche, rassurante en apparence, est en réalité porteuse de risques majeurs. Le pentest n’est pas un événement, c’est un processus. Et dans un environnement de menaces permanent, la sécurité ne peut pas rester figée.

L’illusion du pentest « tampon de sécurité »

Il y a d’abord un malentendu culturel. Dans de nombreuses organisations, le pentest est encore vécu comme un tampon de validation. Il est commandé à la fin d’un projet, une fois que tout est en place, et vise à rassurer la direction, le client ou l’assureur. Le résultat ? Une série de failles plus ou moins graves, assorties de recommandations que l’on s’engage à corriger. Mais dans les faits, combien de ces actions sont vraiment suivies ? Combien de correctifs sont reportés à plus tard, ignorés, ou mal appliqués ?

Pire encore : cette approche ponctuelle donne l’illusion du travail accompli. On se pense protégé, car un test a été fait. Mais ce test n’a été qu’une photo, prise à un instant donné, dans un contexte donné, souvent déconnecté de la réalité opérationnelle. Une fois en production, l’application ou le système évolue : patchs, mises à jour, intégrations tierces, changement de configuration. Or, le pentest, lui, ne suit pas.

Du test à la boucle : inscrire le pentest dans un cycle de vie

La sécurité ne peut pas s’arrêter au rapport d’audit. Le pentest doit s’inscrire dans une boucle continue, où chaque modification critique déclenche une vérification. Cela suppose une culture de la sécurité par le design, où le test d’intrusion intervient non pas à la fin, mais à chaque étape-clé du cycle de vie. En amont, on prépare l’environnement pour faciliter les vérifications ; en aval, on mesure les effets des correctifs.

Cela implique aussi de penser le pentest au pluriel. Un premier test donne une photographie utile, mais il faut valider les corrections, tester à nouveau les zones sensibles, vérifier les intégrations ultérieures. Dans une démarche agile ou DevSecOps, cette logique s’intègre dans les chaînes CI/CD, avec des tests automatisés qui rejouent les scénarios critiques à chaque déploiement.

Tester en conditions réelles : du pentest à la simulation d’attaque

Un autre écueil du pentest ponctuel réside dans le décalage entre l’environnement de test et la réalité du terrain. Trop souvent, les tests sont réalisés dans des environnements prévus pour, avec des données fictives, des protections désactivées, et un calendrier défini à l’avance. Cette pratique réduit considérablement la portée des conclusions. La vraie menace, elle, n’a pas de rendez-vous.

D’où l’importance des tests en conditions réelles, ou à tout le moins simulées : red teaming, exercices de type purple team, et évaluation de la capacité de détection des équipes internes. L’objectif n’est plus seulement de trouver des failles techniques, mais de tester l’organisation elle-même : ses réflexes, ses seuils d’alerte, ses processus de réponse.

Vers une sécurité continue : outils, services et posture

La généralisation du Pentest-as-a-Service (PtaaS) ou des outils de Breach and Attack Simulation (BAS) ouvre une nouvelle voie : celle d’une évaluation régulière, ciblée, et parfois automatisée de la surface d’attaque. Ces solutions permettent de tester en continu des scénarios variés, de valider l’efficacité des mesures de défense, et de repérer les failles dès leur apparition.

Mais l’outil ne suffit pas. Cette logique suppose un changement de posture : voir la sécurité non plus comme un état à atteindre, mais comme une dynamique à entretenir. Cela implique de documenter les évolutions, de suivre les incidents, de lier les enseignements du pentest aux processus de supervision et aux tickets de correction.

Vers une culture durable du test d’intrusion

À ce stade, il est utile d’insister sur un point trop souvent négligé : un pentest ponctuel peut rater l’essentiel. Il peut ne pas détecter des vulnérabilités introduites après sa réalisation, ou passer à côté de vecteurs d’attaque complexes que seule une approche en continu permettrait de mettre en évidence. L’environnement de menace, lui, ne se met jamais en pause.

Des exemples concrets abondent. Plusieurs violations de données majeures au cours des dernières années — y compris chez des acteurs pourtant certifiés — ont révélé des défaillances de sécurité survenues peu après un test d’intrusion concluant. Dans certains cas, les correctifs identifiés ont été appliqués sans contrôle de leur efficacité réelle, ou de manière partielle. D’où l’importance non seulement de tester, mais de revérifier.

Il faut également repenser les rôles internes. Là où le pentest est vu comme une prestation externe, ponctuelle, les entreprises gagneraient à intégrer cette compétence dans leur pilotage de la sécurité. Cela ne signifie pas forcément internaliser, mais établir une relation suivie avec les prestataires, planifier des revues régulières, et tirer des enseignements durables de chaque campagne.

Entre culture, méthode et continuité

Le pentest ne doit pas être un one-shot. Il ne peut se réduire à un rapport figé dans le temps. Il doit au contraire être intégré dans un processus vivant, nourri par les évolutions techniques, les retours d’expérience, et les signaux faibles.

Mieux vaut un test imparfait et régulier qu’un audit ponctuel, parfaitement mené mais aussitôt oublié. La cybersécurité n’a pas besoin de coups d’éclat, mais de constance, de méthode, et de lucidité. C’est cette posture, plus que n’importe quel outil, qui fera la différence.