Le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) est un outil central du système judiciaire français, regroupant des informations sur les personnes impliquées dans des affaires pénales, qu’elles soient mises en cause ou victimes. Utilisé par les forces de l’ordre et les autorités judiciaires, il facilite les enquêtes et les procédures administratives. Cependant, sa gestion a récemment été critiquée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui a rappelé à l’ordre les ministères de l’Intérieur et de la Justice pour divers manquements.
Origines et évolutions du TAJ
Le TAJ, instauré en 2014, a remplacé les fichiers STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées) et JUDEX (Justice Documentation et Exploitation), qui présentaient des taux d’erreurs significatifs, allant de 37% à 83% selon la provenance des fiches. Cette fusion visait à centraliser et améliorer la gestion des données judiciaires, en réponse aux critiques antérieures concernant l’exactitude et la mise à jour des informations.
Contenu et utilisation du TAJ
Le TAJ enregistre des données sur les suspects, les victimes et les témoins, incluant l’identité, l’état civil, l’adresse, la profession et des photographies des personnes concernées. Il est utilisé non seulement pour les enquêtes judiciaires, mais aussi pour des enquêtes administratives, notamment lors de recrutements pour des emplois sensibles ou de demandes de naturalisation. En 2024, le TAJ recensait environ 87 millions d’affaires et plus de 18,9 millions de fiches de personnes mises en cause.
Critiques et manquements relevés par la CNIL
Le 17 octobre 2024, la CNIL a rappelé à l’ordre les ministères de l’Intérieur et de la Justice pour une mauvaise gestion du TAJ. Les contrôles ont révélé plusieurs manquements à la loi Informatique et Libertés, notamment :
- Conservation de données inexactes ou obsolètes : De nombreuses décisions judiciaires, telles que les relaxes ou les non-lieux, n’étaient pas transmises au gestionnaire du TAJ, entraînant la persistance de données incorrectes.
- Manque d’information des personnes concernées : Les individus n’étaient pas systématiquement informés de leur inscription au TAJ, les privant de la possibilité d’exercer leurs droits.
- Difficultés dans l’exercice des droits : Les procédures pour accéder, rectifier ou effacer les données étaient complexes et peu efficaces, entravant l’exercice des droits des personnes concernées.
Conséquences pour les individus
L’inscription au TAJ peut entraîner des répercussions significatives sur la vie des individus, affectant l’accès à certains emplois, la possibilité de voyager ou les démarches de naturalisation. Par exemple, des employeurs dans des secteurs sensibles consultent le TAJ lors de recrutements, et une inscription peut entraîner un refus d’embauche. De plus, certaines demandes de visa ou de naturalisation peuvent être rejetées en raison d’informations figurant dans le TAJ. Il est donc essentiel que les données contenues dans ce fichier soient exactes et que les droits des personnes soient respectés.
Droits des personnes et démarches possibles
Les individus ont le droit de demander l’accès aux informations les concernant dans le TAJ, ainsi que la rectification ou l’effacement de ces données si elles sont inexactes ou si leur conservation n’est plus justifiée. Depuis le 3 août 2018, il est possible d’exercer ces droits directement auprès du ministère de l’Intérieur, sans passer par la CNIL. Pour ce faire, il convient d’adresser une demande écrite, accompagnée d’une copie d’un titre d’identité ou d’un extrait d’acte de naissance, au ministère de l’Intérieur. En cas de non-réponse ou de refus, il est possible de saisir la CNIL pour une vérification.
Obligations des autorités et mesures correctives
Les ministères de l’Intérieur et de la Justice sont tenus de garantir l’exactitude des données contenues dans le TAJ et de respecter les droits des personnes concernées. À la suite du rappel à l’ordre de la CNIL, ces ministères doivent mettre en place des mesures correctives pour assurer la conformité du TAJ avec la loi Informatique et Libertés. La CNIL a enjoint aux ministères de :
- Assurer l’exactitude des données : Mettre en place un dispositif permettant la répercussion automatisée des décisions de justice dans le TAJ.
- Garantir l’effectivité des droits des personnes : Établir une procédure efficace pour que les juridictions répondent systématiquement aux demandes d’exercice de droits dans un délai de deux mois.
Ces injonctions doivent être mises en œuvre avant le 31 octobre 2026.
Perspectives d’amélioration et enjeux futurs
La gestion des fichiers d’antécédents judiciaires comme le TAJ nécessite une vigilance constante pour protéger les droits des individus tout en permettant aux autorités de mener à bien leurs missions. Les avancées technologiques offrent des opportunités pour améliorer la gestion et la sécurisation de ces données. Par exemple, l’utilisation de systèmes automatisés pour la mise à jour des informations ou l’intégration de technologies de cryptage avancées peut renforcer la protection des données personnelles. Cependant, ces innovations doivent être accompagnées de cadres juridiques et éthiques solides pour éviter les dérives.
En somme, le TAJ joue un rôle crucial dans le système judiciaire français, mais sa gestion doit être irréprochable pour respecter les droits des individus. Les critiques de la CNIL mettent en lumière la nécessité d’améliorer les pratiques actuelles et d’assurer une conformité stricte avec les lois sur la protection des données. Il est impératif que les autorités prennent des mesures concrètes pour remédier aux manquements identifiés et renforcer la confiance du public dans la gestion des informations sensibles.
Traitement d’antécédents judiciaires : la CNIL rappelle à l’ordre deux ministères